"D’un geste, le maire montre le chemin de la réception, à droite. De Gaulle, instinctivement, comme attiré par la clameur populaire, se porte sur la gauche, vers le fameux balcon de pierre. Sous le regard abasourdi de Jean Drapeau qui ne sait quoi faire, Durand tente une intervention: «Mon Général, ce n’est pas à ce balcon que vous devez prendre la parole. » Ce à quoi de Gaulle répond sur un ton qui n’admet pas de réplique: «Mais il faut bien que je leur dise quelque chose, à tous ces gens qui m’appellent.» En quelques enjambées, il atteint la porte-fenêtre qui le sépare du balcon. Drapeau le rejoint, presque en courant, et lui explique, à bout de souffle, que, de toute façon, sans micro, il ne sera pas possible à la foule de l’entendre. «Et ça, alors, qu’est-ce que c’est?», réplique de Gaulle qui vient d’apercevoir, à contre-jour, la forme du gros micro à deux branches installé puis débranché, le matin même, par le technicien de Radio-Canada. « C’est un micro, en effet », concède Drapeau, avant d’ajouter : « Mais il n’est pas branché.» Le général semble hésiter un instant. C’est alors que le technicien, qui paraît avoir développé un don d’ubiquité étonnant, surgit de la pénombre, comme par enchantement: «Ce n’est rien, Monsieur le Maire, je peux aussi bien le rebrancher. » Et sans attendre la réponse, il se met au travail tandis que de Gaulle attend patiemment que l’on veuille bien ouvrir la porte-fenêtre. Drapeau a perdu la partie."
" Pour tout savoir du contexte, de l’avant et de l’après de cette visite à nulle autre pareille, il y a ce petit livre merveilleux de l’historien Olivier Courteaux « Quatre journées qui ébranlèrent le Québec » dans lequel il nous dit tout de ce qui s’est passé dans les coulisses."
Culturehebdo.com, octobre 2017