Le champ de la « santé mentale » ne semble plus avoir de limites : de la prévention du suicide à la promotion du bonheur, en passant par le « combat du stress » dans la vie quotidienne, toute situation sociale est susceptible de devenir objet d’intervention. Les individus, la famille, le couple, l’école, l’État, l’entreprise, voire ce que l’on appelle la « communauté », ont de plus en plus recours aux interventions psychosociales. Il s’agit ainsi de pallier des « dysfonctionnements » ou, mieux encore, de « produire » des comportements désignés aujourd’hui comme « adaptés » plutôt que « normaux ». Comment expliquer la diffusion extraordinaire des interventions en « santé mentale » au-delà du contexte clinique ? Quelles sont les tendances dominantes ? Quel est le visage actuel de l’individu en bonne « santé mentale » ?
Les nouvelles règles de la « santé mentale » sont indissociables des profondes transformations de la normativité sociale dont les sociétés libérales ont été le théâtre au cours des trente dernières années. La société québécoise, au carrefour des modalités nord-américaine et française d’intervention sociale, apparaît comme un terrain privilégié d’observation de ce que recouvre aujourd’hui le terme « individu » en Occident.