Le paysage charlevoisien a fait l'objet de nombreuses représentations depuis le milieu du XIXe siècle. On l'a interprété comme un univers essentiellement rural, dont la société demeure attachée à ses valeurs ancestrales, est homogène au plan culturel et est unie par des liens communautaires serrés ainsi que par la foi catholique. Bref, une société caractérisée par le passéisme et l'immobilisme social. D'où vient cette image? Est-elle conforme à la réalité qui s'exprime à travers les liens établis entre les charlevoisiens et leur territoire depuis la fin du XVIIe siècle? Cette image a-t-elle eue une influence sur l'évolution du paysage et des liens homme-territoire? Ce sont les principales questions auxquelles l'auteure tente de répondre dans cette étude. En s'appuyant sur l'étude minutieuse de données nominatives à grande échelle ainsi que sur l'analyse de la production artistique effectuée sur le paysage régional, nous pouvons conclure à la construction dans Charlevoix d'un paysage mythique du Canada français qui s'appuie sur l'esthétique Romantique anglo-saxonne et son rejet de la société industrielle capitaliste ainsi que sur les mythes fondateurs et les idéologies nationales canadienne et québécoise en formation. Ces représentations ont eu un effet important sur l'évolution du paysage régional en y introduisant une nouvelle activité économique qui va s'insérer dans la territorialité locale en fournissant à la population une source supplémentaire de numéraire lui permettant de maintenir pou un temps son mode de reproduction sociale axé sur l'établissement du plus grand nombre possible de fils en agriculture. En échange, le touriste bourgeois va bénéficier de services divers à faible coût et du contact direct avec un milieu naturel unique et une société rurale traditionnelle.
Linda Villeneuve est géographe et membre associé du CIEQ. Auteure d'articles sur la représentation du paysage charlevoisien au XIXe siècle, elle travaille actuellement en collaboration avec le Professeur Brian S. Osborne (Queen's University, Kingston) à une série d'articles sur la représentation symbolique du paysage canadien effectuée par Frederick Banting (1891-1942) ainsi qu'à un projet d'études postdoctorales sur la diffusion des représentations du paysage canadien à l'étranger au cours du XXe siècle.