Un réflexe très ancien ou très profond est ancré dans certains de nos mécanismes cognitifs les plus fondamentaux, par exemple celui de la reconnaissance des visages. Quand j’étais enfant, je croyais que tous les Noirs se ressemblaient et je me demandais comment ils faisaient pour se reconnaître entre eux. Lors de mon premier séjour au Japon, on m’a posé la même question : « Comment vous, les Occidentaux, faites-vous pour vous reconnaître entre vous et, particulièrement, les enfants qui se ressemblent tant ? » Quelle ne fut pas ma surprise, quelque temps après mon arrivée, de découvrir à quel point les Japonais ont des visages différents les uns des autres. Combien peu ils se ressemblent entre eux et combien ils nous ressemblent. C’est comme si ce que l’on nomme la différence raciale ne constituait qu’un léger voile posé sur des types de visages foncièrement identiques à travers le monde. Un voile que l’habitude rend parfaitement transparent. Au bout d’un certain temps, on se dit : « Celui-là, s’il était Québécois, il ressemblerait à Michel, celle-là, à Petra. » À ce moment, la ressemblance de famille cède le pas à la diversité et on reconnaît que ces autres sont mêmes, les mêmes que nous, justement parce qu’ils sont tous différents les uns des autres. Or, cet apprentissage se fait par simple accoutumance. Le contact répété avec ces autres suffit à les rendre mêmes.