Au cours du XIXe siècle, dans le cadre de l’émergence progressive des sciences humaines et sociales, l’économie s’affirme de façon polémique comme capable de rendre compte du fonctionnement du réel et même de l’anticiper, bref comme un savoir à prétention hégémonique. Cet essor de la pensée économique, combiné avec le développement effectif du capitalisme, conduit à la généralisation des schèmes de pensée économiques dans le discours social, et ce, du XIXe siècle jusqu’à l’époque contemporaine. Or ces schèmes de pensée se retrouvent aussi dans les fictions proposées par la littérature et les arts du spectacle; cependant ils y prennent des formes qui impliquent souvent des transformations ludiques ou critiques. En effet une œuvre est, en soi, une structure où se déploient l’échange, la réciprocité, le don, le gain ou la perte, le vol ou l’appropriation. Mais en raison même de leur statut économique problématique, c’est souvent aux formes parallèles, souterraines et illégitimes de l’économie que les œuvres se réfèrent. Elles établissent ainsi, en décalage de l’hégémonie et dans un rapport mouvant face à elle, un espace où se représentent autrement la vie sociale et les rapports entre les êtres. De la sorte, elles peuvent opérer une exégèse qui est d’emblée une lecture critique. C’est à l’examen de pans variés de cet imaginaire économique dans la littérature et les arts du spectacle que se consacrent les contributeurs à ce recueil, avec la conviction que les productions esthétiques peuvent aider à saisir et à interpréter, dans la longue durée comme dans le contexte contemporain, les phénomènes économiques qui nous entourent.