Parler de sacramentaire gnostique semble un paradoxe. Gnose et sacrement devraient s'exclurent. Comment en effet concilier la médiation de rites matériels et contingents avec la nécessité d'un salut qui s'accomplit dans une connaissance simple et immédiate de l'esprit égaré en ce monde? Si certaines notices hérésiologiques comme plusieurs textes gnostiques restent muets sur des rites associés au salut ou se livrent même dans certains cas à une polémique antibaptiste, il n'en demeure pas moins que, chez les hérésiologues comme dans nombre de sources primaires, des traces subsistent d'une pratique liturgique et rituelle qui ne se limitait pas à la louange ou au culte mais impliquait à tout le moins des actions initiatiques. La bibliothèque de Nag Hammadi nous fourni d'ailleurs à ce sujet des renseignements qui, bien qu'allusifs et difficiles à interpréter, n'en ont pas moins l'avantage d'être de première main. Si l'on ne peut toutefois attendre de résultats complets de l'étude laborieuse de ces écrits, elle permet néanmoins, par-delà leurs systèmes mythiques et doctrinaux, d'entrevoir la vie des communautés gnostiques, d'aborder leur histoire par un autre biais que celui de la filiation des mythologèmes ou de leurs combinaisons, et d'apporter quelques matériaux à cette considération sociologique du gnosticisme si souvent souhaitée et jusqu'ici rarement entreprise.
La majeure partie de cette étude est donc consacrée à l'analyse de ces textes: l'auteur y examine d'abord séparément les données baptismales fournies par chaque écrit, qu'il interprète ensuite dans le cadre de l'écrit lui-même. De plus, chaque fois que cela est possible, l'auteur tente de situer les passages examinés dans l'histoire et la rédaction du texte, de façon à ne négliger ni le sens qu'ils pouvaient avoir dans une tradition antécédente, ni celui qu'ils prennent dans l'ouvrage tel que nous le lisons aujourd'hui. Enfin, dans l'examen des passages baptismaux, où l'analyse littéraire joue nécessairement un grand rôle, l'auteur cherche d'une part à dégager la signification qui lui est attachée, et d'autre part son rapport au salut.