Grande est ma joie de voir Pierre rejeter de toutes ses forces la thèse, d’origine augustinienne, selon laquelle Dieu n’aurait prédestiné que peu d’hommes et de femmes à la joie de L’avoir éternellement pour Père « plus grand que [leur] cœur » (1 Jn 3, 20), et répéter que la grâce n’est pas semblable à l’eau qui coule goutte à goutte d’un robinet mal fermé, mais à un torrent de montagne dont l’eau fraîche ne cesse de déborder les vasques qu’elle remplit en les faisant déborder, à leur tour, sur celles qui se trouvent plus bas dans la fracture de la paroi. […] Si l’Orient chrétien ne l’a jamais oublié, formé qu’il fut par les écrits de Grégoire de Nysse au IVe siècle ou de Maxime le Confesseur au VIe siècle, pour qui la réconciliation finale de tous était « la doctrine des parfaits », c’est cela qu’il faut réapprendre à l’Occident avec le pape François, à temps et à contretemps. […] L’orthodoxie véritable ne consiste pas à se crisper sur des mots, mais à tenir ce qu’ils désignent d’inouï, d’au-delà de leur signification familière. Et peu importe qu’il nous arrive de nous tromper de mot ici et là, lui dans son genre, moi dans le mien, pourvu que l’essentiel soit dit : que le Père du Ciel nous désire et nous aime outre mesure […] Que le souffle reçu par Pierre du Souffle de Dieu entraîne ses lecteurs plus loin que leurs horizons souvent brouillés par la peur !
Extraits de la préface de Michel Corbin sj.