Mozi (env. 479-381 avant notre ère) fut l’un des penseurs les plus importants de la Chine antique. Lettré engagé itinérant, il préconisait le bien commun, la méritocratie, le travail, la frugalité et l’ordre social, en critiquant avec indignation le bellicisme des élites politiques et le luxe effréné qu’elles déployaient au détriment de la population. La sagesse moïste résulte d’un effort d’harmonisation de principes moraux et de savoir-faire pratique ; elle inspira des générations de disciples, qui la consignèrent diligemment sur des lamelles de bambou. Le Mozi, œuvre hétéroclite de l’époque des Royaumes combattants (453-221 av. n. è.), est le fruit d’une intelligence collective. L’objectif de ce livre est de présenter ses divers volets (l’art de gouverner et de défendre l’État, la culture religieuse, les réflexions logiques et scientifiques, etc.) en le traduisant pour la première fois intégralement du chinois classique en français. La lecture du Mozi n’est pas indispensable seulement pour connaître le paysage philosophique de l’Antiquité : elle permet aussi de comprendre les valeurs de la société chinoise contemporaine. En effet, le maître fondateur de l’École moïste est perçu en Chine comme un personnage emblématique du développement scientifique et technologique du pays. En témoigne le microsatellite nommé Mozi qui, en 2016, a été lancé du désert de Gobi dans l’espace.
Introduction, traduction et annotations de Anna Ghiglione, professeure titulaire au Département de philosophie et au Centre d’études de l’Asie de l’Est de l’Université de Montréal.