Personne n’est « accro » à l’énergie, comme on peut l’être au jeu, à l’alcool ou encore au sport. Personne ne ressent une subite envie de fioul, d’électricité ou de gaz naturel. Pourtant, le train de vie énergétique qui s’est généralisé dans les sociétés développées montre à quel point nos activités les plus courantes sont gavées d’énergie. C’est comme si, pour pouvoir être à ce point dépendants de l’énergie, il nous fallait en postuler la disponibilité permanente avec beaucoup d’insouciance. Ce paradoxe ne fournit pas seulement une grille de lecture pour commenter les résultats très insuffisants des politiques publiques qui en appellent, depuis des décennies, aux économies d’énergie. Il dit la condition à partir de laquelle il nous revient de réfléchir sur notre situation : non plus comme les sujets que nous croyons encore être, invoquant leur autonomie, leur automobilité ou leur autoaccomplissement, mais plutôt comme les usagers addictifs des innombrables moteurs qui ne fonctionnent jamais sans énergie.