Le Tonnerre, Intellect parfait (NH VI,2) (BCNH "Textes" no 22)
- Collection:
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Nb. de pages:
372
Description
Le Tonnerre, intellect parfait est le deuxième traité du codex VI de Nag Hammadi et y occupe les pages 13 à 21. Il est précédé des Actes de Pierre et des Douze Apôtres et est suivi du Concept de notre Grande Puissance, d'un fragment de la République de Platon, de l'Ogdoade et l'Ennéade, d'une Prière d'action de grâces, d'une notice de scribe et d'un fragment du Discours Parfait. Le texte comporte certaines lacunes qui n'affectent toutefois pas la compréhension de l'ensemble. Il est rédigé en sahidique, un dialecte copte, mais l'original aurait été rédigé en grec. Cependant, selon Paul-Hubert Poirier, le codex VI représente une copie d'un texte copte et non le résultat immédiat de la traduction en copte d'un modèle grec. Enfin, selon Wolf-Peter Funk, «la région comprise entre Thèbes et Hermopolis serait, comme lieu d'origine, très probable, et celle qui avoisine Nag Hammadi, tout à fait possible» (p. 97).
Brontè se compose de la reprise de trois types d'énoncés, soit des autoproclamations, des exhortations ou des reproches. Ces trois types peuvent être ramenés à deux si l'on oppose, d'un côté, les passages en «je» et, d'un autre côté, ceux en «vous». Le traité se présente dès le prologue (13,12-16) sous la forme d'une révélation de Brontè à ceux vers qui elle est envoyée, par laquelle elle se présente et légitime sa mission. C'est en déclarant qu'elle est venue non de son propre chef, mais chargée de mission par son mandataire qu'elle se présente à ses destinataires et c'est en énumérant ses titres et qualités qu'elle se légitime à leurs yeux (13,2-4). Il faut noter que l'héroïne de Brontè est une envoyée d'un type particulier, elle n'est pas un simple porte-parole, mais plutôt une émissaire aux prétentions divines, envoyée par la Grande Puissance, mais aussi terme ultime de la recherche de ceux à qui elle s'adresse (21,29b-32).
Le premier bloc d'autoproclamations porte à la fois sur le caractère absolu de la personnalité de la révélatrice, qui assume et abolit en elle les oppositions sociales et familiales (13,16b-32), sur son identité ainsi que sur celui qui l'a envoyée (13,33-14, 9a) et sur le message qu'elle a à transmettre (14,9b-15a). Le sens général de ces quelques quatre-vingts énoncés est d'ailleurs bien rendu par le premier d'entre eux: «c'est moi la première et la dernière», qui forme un couple avec le dernier énoncé du même genre pour tout le traité: «(parce que) c'est moi qui seule existe et je n'ai personne qui me jugera» (21,18b-20a).
Quant aux autres séries d'autoproclamations, elles ont plutôt pour fonction de légitimer ou de justifier le message de l'envoyée, son invitation à la reconnaître, à sortir de l'ivresse et à trouver auprès d'elle le repos. Le caractère même de ces énoncés, antithétiques et contradictoires, sert à traduire ce qu'a de radical et d'absolu le message d'une révélatrice qui prétend à une audience universelle, puisqu'elle s'adresse aussi bien aux Grecs, aux Barbares qu'aux Égyptiens, qu'elle veut libérer de l'ivresse des passions et de la méconnaissance de la divinité (16,1-9).
Dans son introduction et son commentaire, Paul-Hubert Poirier, dégage nombre d'éléments qui permettent de situer Brontè dans un contexte historique et culturel relativement précis. Au plan de la forme et du genre littéraire, il établit que Brontè relève du «Botenselbstbericht», c'est-à-dire du discours que l'envoyé tient à ceux vers qui il est mandaté, discours par lequel il se présente, légitime sa mission et communique son message. Ce type de discours appartient à la littérature de persuasion et, dans le cas de Bronté, il tient à la fois du genre protreptique et de la paranèse.
Pour ce qui est de l'histoire littéraire du traité, sa situation dans le corpus de Nag Hammadi est absolument unique, dans la mesure où il partage avec deux autres traités, l'Écrit sans titre et l'Hypostase des archontes, un matériau commun dont la présence dans ces trois traités ne peut s'expliquer que par le reprise d'une source antérieure à ceux-ci.
Au plan ethnique et culturel, le traité met de l'avant la triade Barbares-Grecs-Égyptiens, identifie clairement la locutrice comme une Barbare. Par ailleurs, cette Barbare semble entretenir des liens privilégiés avec l'Égypte, puisque c'est le seul pays à figurer nommément dans le texte. P-H. Poirier relève dans son commentaire plusieurs indications permettant de voir, selon lui, dans l'appellation «Barbare» une désignation voilée pour «Juif».
Quant au contexte religieux que présuppose Brontè, plusieurs éléments du texte permettent de l'identifier comme un milieu missionnaire, marqué par l'apocalyptique et d'orientation eschatologique. Cela ressort nettement de l'épilogue du traité, plus particulièrement de la mention de l'accomplissement des «paroles» et des «écritures» (21,12-13), et du fait que la destination ultime des auditeurs est désignée comme un «lieu de repos» (21,28-29). D'autre part, en considérant le prologue, il est permis de rattacher Brontè au prophétisme pratiqué, d'après le témoignage de Celse, chez les gens de Phénicie et de Palestine. Par ailleurs, et en plus des passages portant sur l'opposition entre Grecs et Barbares (16,1-29), on relève dans Brontè plusieurs termes et expressions qui indiquent un milieu sinon juif, du moins familier des réalités religieuses juives (17,24; 19,7; 19,29-30). En revanche, on n'y relève aucun élément spécifiquement chrétien, si ce n'est l'expression «qui se sont levées d'entre les morts» (21,17-18). Si plusieurs de ces éléments orientent vers un milieu juif ou proche du judaïsme, on admettra cependant que la singularité de Brontè, tant au niveau du contenu que de la forme, son voisinage avec les Hermetica et sa parenté littéraire avec des textes gnostiques comme l'Écrit sans titre et l'Hypostase des archontes, suggèrent que ce milieu juif, ou de tradition exégétique juive, devait être plutôt marginal; en fin de compte, un milieu qui pouvait s'accommoder de la diversité littéraire et doctrinale illustrée par le codex VI de Nag Hammadi.
Cet ouvrage contient les contributions suivantes :
• «L'orthographe du manuscrit» [Funk, Wolf-Peter] (p. 13–53)
• «La langue du traité» [Funk, Wolf-Peter] (p. 53–97)
Éditions Peeters (Louvain)
Les Presses de l'Université Laval (Québec)