Dans cet entretien où Dominic Desroches et Daniel Innerarity débattent de philosophie sociale et politique, le penseur espagnol interprète ses livres — certains non traduits en français — afin de préciser sa pensée. Il dit pourquoi la philosophie ressemble à l’espionnage, présente les pièges à éviter pour approcher les sociétés complexes, risquées et invisibles, et discute de la désaffection qui menace la politique. Mais dans ce débat qui s’est déroulé sur deux années, en des lieux et des moments différents — à contretemps donc —, le temps devient un thème et une composante de la discussion car les réponses aux questions dépendent de l’actualité. Et si le débat tourne autour du temps politique, c’est parce que la gouvernance globale exige son interprétation. Or celle-ci ne va plus de soi. La mondialisation, l’accélération du rythme de la vie, les temps de la catastrophe, de l’urgence et de la panique obscurcissent la voie à suivre pour sortir de la crise politique actuelle : inventer un temps global à partager. Voilà pourquoi il faut s’arrêter un instant pour penser, tout un chacun, à contretemps, les défis du monde incertain qui s’ouvre devant nous. Cet entretien, le plus important auquel ait participé Innerarity, aura été pour lui l’occasion de mesurer sa réception et de prendre position sur les enjeux de l’heure. Il pourrait bien être l’occasion pour les lecteurs de réfléchir eux-mêmes aux horizons définis par la pensée contemporaine, les auteurs les y aidant en situant leurs idées par rapport à celles de Beck, Bauman, Habermas, Luhmann et Sloterdijk.